Le vertige des Fleurs
Pierre Charras
La peinture est comme la vie, belle et terrifiante.
Parfois, on ne sait plus laquelle imite l'autre. On est debout au bord d'une plage, au soleil. C'est beau. Et pourtant la peur vous prend aux épaules. Car il n'y a pas que l'image, il y a aussi le bruit des vagues. Deux sens sollicités en même temps, ça vous donne le vertige.
C'est la même inquiétude qui vous saisit devant les fleurs de Marie Theres Berger. Parce qu'on ne fait pas que les voir, ces fleurs, on les sent. On est tombé dedans, on est tombé. Il y a ces contours indéchiffrable, toutes ces couleurs sauvages; mais il y a aussi cette odeur enivrante des fleurs au printemps. L'odorat doit partager avec la vue. C'est un combat. La tête vous tourne.
Et le ciel? Ou est le ciel? Il n'y a pas de place pour lui dans ces grands formats. On est tout contre les bulbes; à hauteur des tiges, presque; si près des racines, de la terre. De la vie alors? Oui de la vie! Elle est là, veillée par la beauté. Et c'est ce qui nous pousse à regarder. Et nous restons là, interdits, captivés, fascinés. Car l'art sidère toujours; il n'y a aucun moyen de fuir, seulement celui de contempler une fragile beauté qui va s'abîmer.
C'est ce qui nous voulions, non? De l'éphémère. Mais nous espérons aussi que ça durera. La peinture n'est pas autre chose: l'éphémère qui dure.
Cette beauté va-t-elle se faner, se corrompre? Ca ne peut pas tenir, des fleurs.
Ca ne peut pas tenir? Celles-ci, peut-être. Et si elles étaient là pour nous guérir de la mort?
Ne semblent-elles pas protégées par un film? Sont elles sous l'eau? Les voit-on à travers une vitre? A travers nos larmes?
On ne sait plus. Nous y revoilà. Nous avons cessé d'être sereins. La peur est de retour. Elle nous attire contre elle et nous aimons son étreinte. Encore un vertige. Encore notre cœur qui bat.
Les images de Marie Theres Berger sont comme nos fragiles vies. Allons les frôler de nos regards, la narine palpitante. Et ne boudons pas l'ivresse qui va nous saisir.
Floral Vertigo
Pierre Charras
Painting is like life, beautiful and terrifying.
Sometimes it's hard to know who is imitating who. You are standing on the edge of a beach in the sun. Everything is fine. Nontheless fear grips you. It's because there is more to it than the picture; there is the sound of the waves. It is a simultaneous appeal to two senses; that's what makes you dizzy.
It's the same unease we experience in front of Marie Theres Berger's flowers. We don't just see these flowers of hers; we smell them. We are amongst them. There are indecipherable contours, wild colours. But there is also that intoxicating scent of spring flowers. Smell must cohabit with vision, but there is conflict. It makes our heads spin.
And where's the sky? There is no room for it in these large canvases. We are close to the bulbs, the stems , so near the roots and the earth. To life itself perhaps? Yes, it is there, watched over by all this beauty. And that's what compels us to look, and we keep on looking, transfixed, captivated, fascinated. Art invariably stuns. There is no escape, only the contemplation of this fragile beauty which must spoil.
Isn't that what we wanted, the ephemeral? But we hope paradoxically that it will last. After all, that is what painting is: the ephemeral becoming permanent.
Will this beauty fade? And decay? Flowers can't last; it's not possible. But these perhaps. What if they were there to cure us from death? Don't they seem to be protected by a transparent film, or are they under water? Are we looking at them through glass? Or through our tears?
No way of knowing. Here we are again. Our serenity gone. Fear is back. We are attracted to its familiar embrace. Vertigo and a pounding heart again.
Marie Theres Berger's pictures are like our fragile lives. Let's let our gaze wander over them, our nostriles finely tuned. And let us not resist the intoxication which will invade us.
Translation Oliver Bevan